Inspired by the Ena, created by Stalin at the end of World War II to train the diplomatic elites of the USSR, the MGIMO is today a great international university. All the great heads of state parade there before the cream of Moscow's golden youth. Like the two-headed eagle, the symbol of Russia, outrageous capitalism and Soviet reminiscences clash with the West. Young women in Chanel learn the arm wrestling of energy diplomacy, in Arabic, while waiting to get married...
Inspiré de l’Ena, créé par Staline au sortir de la 2ème guerre mondiale pour former les élites diplomatiques de l’URSS, le MGIMO est aujourd’hui une grande université internationale. Tous les grands chefs d’Etats y défilent devant la crème de la jeunesse dorée moscovite. Pareil à l’aigle à deux tête, symbole de la Russie, le capitalisme outrancier et les réminiscences soviétiques y entrechoquent orient et occident. Les jeunes femmes en Chanel y apprennent le bras de fer de la diplomatie énergétique, en langue arabe, en attendant de se marier...
Elle était l’école de la propagande et du pouvoir, elle est devenue une grande université internationale formant les élites financières et intellectuelles en 21 langues. A la différence d’Harvard ou d’Oxford dont il s’inspire aujourd’hui, le MGIMO se débat avec les contradictions de la société russe qui souhaite s’ouvrir à l’international tout en refusant de perdre une identité en péril depuis la chute de l’URSS. A quelques kilomètres du Kremlin, au sud ouest de la Moskova, dans l’axe de l’étoile rouge de la Borovitskaya, s’étend la masse de béton immense du MGIMO (l’Institut d'État des relations internationales de Moscou). De loin la plus prestigieuse école de Russie. Pendant près de 50 ans, ces 5 lettres cyrilliques constituait l’unique brèche dans le rideau de fer en ouvrant le rêve de carrières hors d’URSS.
Un monde plus tard, un monde d’après, comme chaque lundi matin, en contrebas de l’enseigne Gazprom, une file de grosses cylindrées avec chauffeurs déposent essentiellement sur les marches de l’université, des nuées de jeunes femmes déterminées, avec une assurance souvent proportionnée à l'élégance. Chaque jour offre à la vue des vieilles babouchkas vendant leurs fruits à même le trottoir, un défilé Dior et Chanel gravissant les escaliers de l’université d’une démarche rendue malaisée par des talons démesurés. La jupe courte, les bas et l’aiguille altière sont aujourd’hui à Moscou l’unique uniforme des nouvelles poupées russes. Elles entrent dans leur université sous très haute surveillance sans un regard pour l’inscription au frontispice : « Fin de la guerre ».
Le MGIMO fut fondé par Staline juste après la victoire « de la grande guerre patriotique de 41-45 ». Le maître de toutes les Russies décida de constituer cet institut à part sous double tutelle du ministère des affaires étrangères et de l’enseignement pour se doter d’un corps diplomatique à la hauteur de la tâche. Alors réservé à l’élite des Républiques soviétiques, de la Chine, de la Mongolie et de Cuba, le MGIMO forma tous les ambassadeurs, tous les diplomates et tous les journalistes du régime. « Que ce soit aux Nations-Unies ou à Washington où j’étais directeur de la rédaction de la Pravda, tous mes compatriotes en terres étrangères étaient d’anciens camarades du MGIMO. Nous étions comme une fraternité », se souvient Vladimir Sokoï aujourd’hui directeur de la chaîne d’information internationale en continue «Russia Today».
A l’époque, Vladimir, jeune villageois ukrainien put entrer au MGIMO sur un quota de fils d’ouvriers étrangers, pour s’apercevoir comme tant d’autres que les fils de la nomenklatura y jouissaient déjà de privilèges interdits au commun. Ils possédaient des gadgets occidentaux, visionnaient des films américains, lisaient les livres proscrits. Tandis que les quotas d’élèves plus modestes ne pouvait rêver que d’entrer dans le Parti ou le KGB. Et à condition de suivre sans un écart la ligne la plus stricte.
DE LA NOMENKLATURA AUX « NOUVORICHES »
Les fils et filles des élites financières actuelles ignorent superbement cette histoire écrite sur les visages graves des vieux professeurs ayant enseignés la Pravda pendant 44 ans dans ces murs. Aux nombreux distributeurs automatiques de billets, ils retirent des dollars, des euros (deux monnaies rassurantes) et des poignées de roubles pour pouvoir profiter des Costa cafés, sushis-bar, snacks, librairies, salles de sport High-tech avec masseurs qu’offre le campus à profusion. Ces quelques 30% d’élèves issus des nouvelles classes privilégiées parmi les 6300 étudiants de toute la fédération Russie et de 30 pays étrangers sont les enfants d’une nouvelle réalité. Avec une certitude : via un diplôme du MGIMO, l’avenir leur appartient. A la terrasse de la « cafétéria VIP », une petite bande d’étudiants fils de diplomates, d’hommes d’affaires, d’ex agents du KGB discutent en saluant leur camarde Khalid allias « Tamerlan », le fils d’un richissime tchétchène. Qui part crânement en trombe au volant d'un gros 4x4 escorté de Volloy, son garde du corps non moins massif. Tous ont étudiés ou vécu dans différentes universités européennes et parlent parfaitement plusieurs langues étrangères. A 20 ans à peine, Sergey Kulebiakin, fils d’un ex diplomate auprès des Nations-Unies, resume : « soit vous venez au MGIMO avec des parents qui assurent votre avenir mais veulent vous donner la meilleure éducation possible, soit vous y entrez pour accéder à l’administration pour vous faire remarquer et obtenir des contacts pour après travailler dans le privé. Car dans ce pays vous ne pouvez pas faire de bizness sans l’aide du gouvernement ! ». Pendant les inters cours, les plus motivés confrontent leurs point de vue politiques avec les étrangers sur un air désenchantement fier que toutefois rien ne comble : « J’entends les histoires de mes parents qui parlent de l’ancien temps, de la gratuité de tout, de l’éducation populaire, c’est vrai qu’aujourd’hui tout est verrouillé, que tu dois tout payer. L’idée communiste était très pure mais ils ont tout détruit à cause de leur politique internationale », analyse Sergueï et Kamal, originaire Azerbaïdjan , tous deux d’ardents orthodoxes et fins connaisseurs du Moscou by night. « La ville la plus punk du monde où tout est possible », s’esclaffent-ils en achevant les préparatifs d’une « party » pour laquelle ils ont loué sur leur argent de poche un night club chic et des limousines. Issus de la classe sociale des « nouvoriches » haïe par un pays souffrant 10% de chômage avec des disparités économiques abyssales, malheur à celui qui critiquerait devant eux un emblème de la Russie, communiste ou pas. Car ici, au MGIMO l’international a toujours une vocation : asseoir l’avenir de la Fédération Russie et de ses élites dans un monde concurrentiel.
REAL POLITIK DE L’EST
« Nous avons pour philosophie de mettre une grosse pression sur nos élèves en terme de connaissances contrairement aux américains qui donnent des techniques. Nous enseignons les règles, c’est à l’élève de faire le lien », explique Andreï Silantiev, le Vice-Président du MGIMO, qui depuis l’an 2000 a travaillé sur « l’américanisation » des infrastructures du campus. Ce fils de journaliste de la Pravda a passé sa jeunesse à Cuba puis au Mexique avant d’être nommé, diplôme du MGIMO en poche, par le Ministère des Affaires Etrangères au Pérou. « J’observais le passage de la dictature à la démocratie en tant que diplomate junior », se souvient ce politique avisé qui a su se maintenir au travers de la perestroïka pour passer dans le camp des réformateurs, puis député du parti de Poutine. Avec le recteur Torkunov et Shitov « un ancien du moyen orient », ils ont entrepris dès 92 de transformer le MGIMO en initiant une filière management. « N’oubliez pas qu’un an seulement auparavant nous étions encore communistes », explique ce directeur département. Et le MGIMO a réussi cette reconversion en enseignant des matières nouvelles telles que « la diplomatie énergétiques » ou en privilégiant des instituts comme celui du monde arabe qui lui assurent une continuité de bonnes relations avec les pays producteurs de pétroles. Malgré les sérieuses réticences qu’éprouve la jeunesse russe à voir sa société se "métisser". « J’apprends l’arabe même si je n’aime pas cette langue parce que mon grand père travaillait au moyen orient pour le KGB. Je voudrais faire pareil enfin travailler avec cette région », tente de rattraper un étudiant qui gardera l’anonymat.
Pour parfaire les connaissances de ses étudiants, le MGIMO propose chaque jour une pléthore d’interventions de prestige. D’ailleurs après le prince d’Arabie Saoudite venu cet automne, c’est au tour du directeur général d’Al Jezeera, Wadah Khanfar, arrivant directement du Quatar, de s’exprimer devant un amphithéâtre 2ème année de journalisme. Comme la Russie regarde à l’Est et à l’ouest les points de vue gravitent en conséquence : du positionnement tronqué des médias occidentaux « aux prétendus terroristes qui pour un vrai journaliste sont des interlocuteurs valables». L’orateur ravi son audience de jeunes filles hyper apprêtées qui s’interrogent sur la dangerosité de l’Afghanistan. Juste après débute dans la grande salle de conférence une réunion baptisée Globe autour des problématiques de sécurités européennes. Devant l’emblème rutilant du MGIMO, au pupitre, un étudiant lit solennellement un billet d’ouverture écrit de la main du président de la Douma. Le recteur qui reçoit dans ses murs plus de chefs d’Etats que la plupart des pays du monde ouvre également les travaux en soulignant l’importance des relations avec la France et le dynamisme européen du Président Sarkozy. En sortant de la salle, de sérieuses références en poche et des rêves de grandeur plein la tête, les élèves en costumes pointent les photos de Bill Clinton, Gorbatchev, Madeleine Albright, Jacques Chirac (Docteur Honoris Causa, adoré des Russes), du Président Chinois, tous enseignants d’un jour au MGIMO, comme autant de garanties pour leur avenir. « Oui c’est sur, l’Onu est inefficace et pourtant elle est essentielle », devisent en s’éloignant un groupe d’étudiants Ouzbeks. Si les étudiants Français de Sciences po et ICNen double diplôme au MGIMO sont enchantés par cet immense campus riche de rencontres insolites, ils éprouvent de grandes difficultés à trouver des stages dans des entreprises russes qui refusent encore d’ouvrir leurs portes à des étrangers. Seules Loréal, Dior et Auchan qui s’implantent massivement acceptent ces stagiaires français. C’est que la démarche internationale du MGIMO, bien qu’ayant une longue histoire est encore pétrie des contradictions assumées de la société russe. Au fond très peu d’étudiants moscovites ambitionnent de faire carrière à l’étranger alors que la Russie offre aujourd’hui des opportunités d’enrichissement fulgurantes. C’est d’ailleurs la continuité de ce prestige historique hérité de l’URSS qui pousse les parents à inscrire leurs enfants au MGIMO plutôt qu’à un lointain Harvard qui leur renverrait peut-être un étranger mondialisé. Car à l’Institut d'État des relations internationales de Moscou on forme à l’excellence, avant tout des russes par excellence.
Sébastien Di Silvestro
Toute reproduction, citation, totale ou partielle est interdite sans l'autorisation du diffuseur.